AVIGNON OFF / « LE ROI SE MEURT » AU THEATRE DES HALLES
LE BRUIT DU OFF : 12 juillet
AVIGNON OFF : « Le roi se meurt », mis en scène par Alain Timar au théâtre des Halles à 11h, jusqu’au 27 juillet (relâche le 16)
Alain Timar réitère sa rencontre avec l’Asie et Ionesco. Après l’excellent «Rhinocéros » produit en 2011 avec une troupe d’acteurs coréens, il coproduit cette année avec l’Académie de Théâtre de Shanghai et ses jeunes acteurs « LeRoi se meurt », du même Ionesco, dans une mise en scène originale.
Le concept retenu par Alain Timar est judicieux : du théâtre dans le théâtre, ce qui permet quelques clins d’œil et sous-entendus sur les difficultés et le mal-être de la jeunesse chinoise actuelle. Six jeunes acteurs pénètrent par effraction, la nuit, dans un théâtre encombré d’éléments de décors, de malles et de costumes. Ils ont un besoin urgent de jouer leur pièce dont personne ne veut : « Le Roi se meurt » de Ionesco pour débattre du pouvoir, de la mort et sans doute pour que leur jeunesse muselée s‘exprime enfin.
La pièce se joue donc enfin. C’est un moment de doute, d’angoisse, de fin de règne. Le Roi est entouré de quelques survivants dans un monde en déliquescence.La terre se fissure. Aujourd’hui la fissure s’est agrandie et il neige sur le pôle nord du soleil. Le Roi cherche désespérément à se raccrocher à son pouvoir qu’il sent lui échapper. On lui annonce sa mort prochaine mais il se voit invulnérable. Il veut prouver encore une fois la puissance de son pouvoir. Il commande aux éléments, aux planètes, mais il n’est pas obéi. Il commande au temps de s’arrêter mais celui-ci s’écoule inexorablement sur une grande horloge placée au centre de la scène.
A quoi l’ont donc mené toute cette puissance, ces guerres gagnées, cette maîtrise de l’univers ? Quel est ce pouvoir si fragile ? A quoi sert-il ? Qui le possède vraiment ? Dans ce monde en délire chacun parle de la mort avec plus ou moins de légèreté mais peut-on banaliser la Mort ? La vie est un exil transitoire. Notre véritable nature est notre état prénatal et post mortem.
Dans le dernier acte, le décor change radicalement. Le théâtre investi par ces jeunes acteurs disparaît derrière un grand rideau rouge devant lequel se poursuit cette évocation de la Mort et se déroule le fatal dénouement. Nos jeunes acteurs chinois ne sont plus alors en train de jouer une pièce dans un théâtre désert. Ils sont eux-mêmes confrontés directement à leurs angoisses, à leur solitude, à la futilité de la vie et au mystère de la mort.
La pièce est naturellement interprétée en chinois, langue chantante et accentuée qui donne du poids au texte. Le surtitrage permet aisément le suivi du texte. La mise en scène est dynamique, expressive. Ces jeunes acteurs chinois ont du talent et ont visiblement une immense envie de jouer et de présenter leur Art au public avignonnais.
Alain Timar poursuit ainsi sa recherche d’un théâtre de qualité avec éclectisme et beaucoup de pertinence. Ce spectacle permet de redécouvrir Ionesco dans une mise en scène originale et de mieux comprendre ce que peut être le théâtre occidental vécu par ces jeunes chinois. Il se voit avec beaucoup de plaisir dans un esprit de découverte.
Jean-Louis Blanc
Excellent spectacle, en effet ! Peut-être pas aussi impressionnant que le « Rhinocéros » (japonais) que nous avait offert Alain Timar – dont les interprètes étaient plus précis, constants dans la mécanique verbale et chorégraphique, réellement parfaite. Mais ne boudons pas l’immense plaisir que nous donnent le directeur des « Halles » et ses très jeunes comédiens chinois.
Contrairement à tant d’autres qui cèdent seulement à la mode des textes surtitrés – et de préférence verbeux et interminables, Timar a un point de vue, une éthique, un vrai savoir théâtral qu’il fait partager.