LE BRUIT DU OFF

lebruitduoff.com – 30 juillet 2022

AVIGNON OFF 2022. « Paying for it » – m.e.s. : Jérôme De Falloise, Raven Ruëll, Anne-Sophie Sterck – au théâtre des Doms – à 21h30 du 7 au 28 juillet – durée 2h. 

« Paying for it » c’est payer pour baiser dans une société qui ne considère aucun statut social ni aucun droit humain aux personnes qui vendent leur corps. Pourquoi vouloir encore éradiquer une profession dite la plus vieille du monde, qui ne cessera jamais ? A force de les chasser et de les reclure dans les coins les plus sombres, les prostitué(e)s se font agresser, voire tuer dans les plus atroces conditions ?

Tous les comédiens incarnent des personnes réelles qui sont ou travaillent auprès des TDS (travailleurs du sexe), auprès desquels un travail d’investigation a été mené pour porter leurs paroles sur scène. Deux hommes, une transsexuelle brésilienne et trois femmes témoignent de leurs conditions de travail, de leur décision individuelle d’exercer ce métier pour qu’il soit enfin reconnu comme tel et non pas exercé par des personnes xonsidérées malades, qu’il faudrait soigner. Sur le plateau sont aussi présents un policier, une danseuse (qui représente la petite danseuse de Degas) et une sociologue.

Les comédiens sont tous assis autour d’une table, verres d’eau et gourdes à la main, pour porter la parole des TDS, des malversations de la société, de la traite des jeunes filles de 14 ans arrivées des pays pauvres et endettées lourdement pour rembourser un voyage qu’elles ont déjà largement payées de leur corps, des abattages des transsexuelles dont Vanessa Campos et tant d’autres sont victimes.

Ces associations financées par l’État ont pour seul but de « les soigner » et d’essayer de les remettre dans le « droit chemin ». La question de la décision individuelle est justement abordée, vendre son corps est-il plus abject que de vendre son cerveau ou ses mains pour travailler ?

Ce spectacle parle en toute franchise et sincérité de ce qui est encore tabou, de ce qu’on ne veut pas voir à côté de chez soi, de la mise en garde faite aux jeunes filles si elle « baise » avec trop de partenaires. Les comédiens sont tous proches de la réalité de ceux qu’ils incarnent, leur parole est vraie et reflète la souffrance de la société et non de leur métier qu’ils exercent semblable à n’importe quelle autre profession à leur sens. Une proposition théâtrale qui relie la fiction à la réalité sur un sujet trop occulté et rabaissé.

Le collectif « La Brute », par son écriture de plateau, porte la parole aux « zones de non-pensée » que la société préfère laisser sous silence, le collectif revendique leur existence et les fait vivre avec toute l’humanité qui se doit. Un travail abouti et une proposition incontestablement bouleversante.

Béatrice Stopin