« DU BRUIT (ET DE FUREUR) », DECAPANT !
LEBRUITDUOFF.COM – 26 juillet 2019
AVIGNON OFF 19. « Du bruit (et de fureur) » d’après Joy Sorman – Mise en scène : Hélène Soulié – au 11 Gilgamesh Belleville – du 5 au 26 juillet à 20h15.
Attention spectacle décapant ! Autant dire tout de suite et sans détour qu’il s’agit là d’un spectacle performance coup de cœur. Pourquoi ? Tout simplement car c’est ce que le Bruit du Off recherche au Off : de la nouveauté et pas de sempiternelles redites. Et pour le coup tout y est ! Qu’il s’agisse de la mise en scène, du texte et du jeu de comédien, tout surprend et vous bouscule.
La metteuse en scène Hélène Soulié à découvert le groupe NTM et son rap dans ses jeunes années, un moment de sa vie durant lequel elle a entendu les cris d’une jeunesse qui voulait tout mettre à terre et jouer dans ce monde suivant ses propres règles. Il y a de ça quelques temps, elle a pu redécouvrir NTM lors d’une série de concerts et le flash a été immédiat, un retour intact aux émotions passées et à cette certitude d’être en présence d’artistes exceptionnels qui avaient su faire bouger les lignes, celles de l’écriture, de la musique, de la place sociale qu’on donnait à ses jeunes « des banlieues ».
Sur scène la comédienne Claire Engel incarne littéralement le rôle de cette jeune fan du livre de Joy Sorman qui découvre, malgré son appartenance à un milieu social favorisé à cent lieues de l’univers des futurs rapeurs Joey Starr, Kool Shen et les débuts de cette icône du rap français. Incarnation est quelquefois un terme légèrement galvaudé au théâtre mais pour le coup le phénomène est troublant et le public se prend à douter de la comédienne, n’est ce pas tout simplement une vraie fan d’NTM qui est sur scène ? tout dans son corps, sa voix et son jeu le prouve !
Mais attention, il faut être clair et juste avec le spectacle ! Nul besoin d’aimer le rap ou NTM pour découvrir ce petit diamant, le sujet n’est pas que là, le véritable sujet c’est la poésie, les mots et la naissance d’un nouvel espace créatif, le choix que chacun a de vouloir découvrir chez l’autre autre chose que la place sociale où l’on veut bien le cantonner. D’ailleurs la musique du groupe n’est jamais là, si ce n’est quelques notes à la fin, mais les mots eux le sont.
Le vrai sujet est celui de vouloir montrer la différence créative et tenter de l’apprivoiser pour mieux la comprendre, au même titre qu’une lecture de Baudelaire ou l’écoute d’un Free Jazz. Il est question ici de tolérance et d’intelligence dans l’écoute des espérances de l’autre et de ce qu’il peut nous apprendre.
« Du bruit (et de fureur) », encore un indispensable du Festival Off d’Avignon 2019 qui décidément offre cette année quelques belles pépites.
Pierre Salles
Photo Marie Clauzade