« LAWRENCE D’ARABIE », UNE EPOPEE COLOREE ET CAPTIVANTE
lebruitduoff.com – 17 juillet 2021
AVIGNON OFF 2021. « Lawrence d’Arabie » – Création d’Éric Bouvron et Benjamin Penamaria – Mise en scène : Éric Bouvron – Théâtre des Halles du 7 au 30 juillet (relâche les 13, 20 et 27 juillet) – Durée : 1h50.
Lawrence d’Arabie ! Ce simple nom, ce héros de l’histoire de la 1ère Guerre mondiale et du cinéma, évoque immanquablement l’immensité du désert, l’éveil des peuples arabes, l’héroïsme et l’humanisme d’un homme obstiné et loyal qui va jusqu’au bout de ses rêves et de ses convictions, mais aussi la guerre et la politique dans ce qu’elles ont de plus pervers. Ce sont tous ces sujets qu’Éric Bouvron aborde dans une succession soutenue de scènes d’inspiration cinématographique qui font revivre les protagonistes de cette fabuleuse histoire dans l’espace et dans le temps.
La troupe se compose de huit comédiens, tous des hommes – n’oublions pas que nous sommes dans le monde de la guerre et de la politique au début du XXème siècle – qui jouent successivement une soixantaine de personnages.
La mise en scène est inventive, fluide, précise et déroule cette histoire sur un ton de comédie à un rythme soutenu dans des scènes qui oscillent entre le réalisme, la fantaisie ou la poésie. Malgré le sérieux du propos l’humour est toujours sous-jacent avec des trouvailles qui font mouche à tout coup. Un dromadaire nonchalant et revêche est incarné par un comédien, visiblement inspiré par l’animal, avec un réalisme confondant, un moteur de camion qui rend l’âme se traduit par la chute brutale d’un corps sur le sol – c’est très imagé, convaincant et les rires fusent. L’Art de la caricature n’est pas absent non plus quand il s’agit de représenter les militaires anglais ou les politiciens français dont les motivations sont très éloignées de l’humanisme et de la loyauté de Lawrence.
Mais cette épopée guerrière trouve toute sa dimension humaine dans la solide et fidèle amitié nouée entre Lawrence, interprété avec conviction et charisme par Kevin Garnichat, et Dahoum, un ami parfois un peu encombrant et maladroit mais fidèle et d’une amitié à toute épreuve, interprété avec brio par Slimane Kacioui, bondissant, d’un naturel et d’une humanité désarmants.
Éric Bouvron nous offre en outre de magnifiques images au travers d’éclairages recherchés telle cette magnifique marche de la troupe dans le désert au pas cadencé des dromadaires où l’on arrive à ressentir soi-même la chaleur et la soif. L’ensemble du spectacle est soutenu par un accompagnement musical en live par deux musiciens qui, comme dans un film, contribuent de manière fort expressive et nuancée, à recréer une ambiance pour chaque scène et à produire toutes sortes de bruitages. On est éberlué en particulier par l’expressivité et la richesse du jeu de violon de Raphaël Maillet à qui l’on fait pratiquement tout dire et tout évoquer, en pleine osmose et en totale synergie avec le texte et le jeu d’acteurs.
Enfin, comme pour apporter des moments de répit et de poésie au spectacle, intervient de temps en temps un élément féminin, la mezzo-soprano Cecilia Meltzer, qui nous livre avec sa voix ample et nuancée de magnifiques compositions vocales qui nous enveloppent, qui semblent évoquer l’immensité et les mystères du désert et des âmes.
Point fort de ce Festival Off, ce spectacle se joue au théâtre des Halles à guichet fermé et se termine sous une « standing ovation » spontanée du public. Du vrai et bon spectacle populaire pour tout public !
Jean-Louis Blanc